Benjamin Sulte (1841-1923), historien et poète

Mon ami et collègue faiseur René Beaudoin suggérait de nous plonger dans la poésie dans le cadre du Festival International de poésie de Trois-Rivières. Je me suis donc retrouvé à compulser les recueils de Benjamin Sulte qui aimait bien, de temps en temps, jouer du vers à sa manière.
Un poème a particulièrement attiré mon attention (et celui d’autres historiens ces dernières années!) : « Les miettes de l’histoire » paru pour la première fois dans L’Opinion publique le 19 février 1880.
Les miettes de l’histoire
Vous m’envoyez un vieux papier
Qui date du siècle dernier
Et dont le texte est de l’histoire
“Il s’en allait, me dites-vous,
“Périr au panier, aux égouts,
“Comme un obscur et plat grimoire,”
Vous l’avez sauvé du néant
Il va revivre maintenant :
Dans mon livre il aura sa page,
Le lecteur se demandera
Par quel hasard, et cætera,
J’ai pu composer ce passage,
Merci, vous qui savez m’aider,
Car je ne saurais commander
Ni les hommes ni la matière
Où je trouve je prends mon bien –
C’est un fade et si lent moyen
Que j’y donne ma vie entière.
Si l’amour de notre passé
N’était quasi tout effacé,
Comme on se plairait à me rendre
Ces contrats tombés dans un coin
Qui périssent faute de soin
Et qui peuvent tant nous apprendre!
Vieux papiers, sales, déchirés,
Mémoires jaunis, délabrés,
Journaux en loques, paperasses,
Vous en savez plus long, souvent,
Que ne peut en dire un savant
Lorsqu’il n’a pas suivi vos traces.
Un rien est quelquefois la clé
D’un fait, d’un acte révélé
Par l’étude et la patience.
On reconstruit un monde ancien
En y mettant chacun du sien,
Et tout cela, c’est la science.
Ouvrez-moi vos poudreux dossiers;
Prêtez vos antiques papiers :
Nous les ferons parler ensemble.
Puis, un jour, vous les reverrez,
Complets, rajeunis, admirés –
Ils le méritent, ce me semble!
Si Sulte était né au XXIe siècle, il n’aurait pas hésité une minute à déposer ses « vieux papiers » dans Trois-Rivières Numérique pour les partager, les protéger de l’oubli et enrichir notre histoire collective.
Vous pouvez consulter les recueils de poésie de Benjamin Sulte sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec : Les laurentiennes (1870) et Chants nouveaux (1880).
Yannick Gendron