Plusieurs années avant même la fondation de Trois-Rivières (1634), les Récollets établis à …
Éducation sous le Régime françaisDaniel RobertTexte Plusieurs années avant même la fondation de Trois-Rivières (1634), les Récollets établis à Québec commencèrent à exercer leur apostolat au petit poste de traite situé au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve Saint-Laurent. En effet, en 1617, le père Joseph Le Caron y envoya le frère Pacifique Duplessis, apothicaire de formation, pour tenter la conversion de quelques Amérindiens. Dans une cabane sur le Platon, dominant le fleuve, le frère Duplessis recevait les petits Algonquins: les uns, malades, y trouvaient soins et réconfort, les autres y apprenaient les premiers éléments de la langue française et du petit catéchisme. De ce fait, on accorde généralement le titre de "premier maître d'école" au frère Duplessis. De toute évidence, c'était l'enseignement réduit à sa plus simple expression. Beaucoup d'eau allait couler devant le Platon avant que Trois-Rivières ne fusse dotée d'un véritable réseau d'écoles primaires répondant aux besoins de sa population. En Nouvelle-France au XVIIe siècle, comme en France depuis le siècle précédent, l'instruction des enfants était d'abord et avant tout la chasse gardée du clergé. Le roi émettait quelques directives générales, les évêques précisaient les modalités à suivre pour la conduite des écoles. "Tous ceux qui se mêlent d'enseignement" devaient préalablement obtenir l'autorisation de l'évêque et rendre compte aux curés des paroisses où ils enseignaient. De là, il ne faut pas s'étonner qu'une bonne partie des enseignants se trouvaient dans le clergé lui-même. Assurés d'un revenu pour leur subsistance, à titre de curés, missionnaires ou desservants, les prêtres étaient, plus que les laïcs, en mesure de consacrer une partie de leur temps à l'éducation des enfants sans exiger d'eux la moindre contribution monétaire. Ainsi, durant tous les XVIIe et XVIIIe siècles, la plupart des religieux en poste à Trois-Rivières joignirent à leurs tâches habituelles celle d'enseignant. Le frère Pacifique Duplessis étant mort à Québec en 1619, Pierre Langoisseux lui succéda et devint, en 1622, membre de l'Ordre des Frères mineurs sous le nom de frère Charles. Le Récollet exerça à Trois-Rivières jusqu'en 1629, année de la prise de Québec par les Anglais qui forcèrent les religieux à retourner en France. Après la rétrocession du pays à la France, en 1632, les pères missionnaires, curés de la ville, se succédèrent: Jésuites (1634-1665 et 1669-1671), Sulpiciens (1666-1668) et, à nouveau, Récollets (1671-1682 et 1693-1777). La majorité d'entre eux - croit-on - enseignèrent à de jeunes Trifluviens, réservant sans doute leurs leçons aux plus doués des moins fortunés. Les autres, plus nombreux, durent s'en remettre aux enseignants laïques: les uns maîtres d'école "à temps partiel", les autres précepteurs, d'autres encore enseignants itinérants. Le notaire royal Séverin Ameau (1620-1715) est regardé comme l'un des premiers instituteurs laïques de Trois-Rivières. Arrivé dans la ville en 1652 et logeant à l'angle des rues Saint-Pierre et Saint-Jean (1663), tout près de la résidence du gouverneur Pierre Boucher, il enseigna aux garçons, pendant au moins 35 ans, les premières notions de lecture, d'écriture et de calcul. (suite de la fiche précédente) Un sergent de la garnison de Trois-Rivières, arrivé vers 1663, René Rémy dit Champagne, fut le premier à réclamer le titre de "maître d'école". Concurrent ou peut-être même associé, pendant un temps, de Séverin Ameau, Rémy dit Champagne demandait une livre par mois "pour l'escholage" d'un enfant, comme le précise un document daté du 21 août 1666. Un autre notaire, Jean-Baptiste Pothier, établi dans la ville vers 1698, aurait aussi enseigné aux jeunes Trifluviens après avoir tenu une école à Lachine depuis 1676. Enfin, le sacristain de l'église paroissiale, Pierre-François Rigault, aurait aussi été maître d'école puisqu'il fut rémunéré comme tel par la fabrique de Trois-Rivières. Peut-être avait-il occasionnellement remplacé le curé ? Certaines familles un peu plus fortunées trouvaient, en engageant un précepteur, le moyen d'assurer un minimum d'instruction à leurs enfants. Enseignant contractuel, le précepteur allait de maison en maison dispenser des cours privés. Les précepteurs, comme les familles aisées, n'étaient pas légion; les exemples sont peu nombreux. Pierre Bertrand fut l'un d'eux. Le 4 novembre 1681, il s'engagea par écrit à donner son enseignement aux enfants de François Hertel aussitôt son contrat terminé avec monsieur Desruisseaux. Les enseignants itinérants, dont nous connaissons peu de choses, allaient dans les campagnes et de village en village. Des laïcs pour la plupart, comme certains "fils de famille" français exilés au Canada par lettre de cachet. Des religieuses aussi. Sœur Marie Raisin, une des Filles séculières de la Congrégation de Notre-Dame (fondée à Montréal en 1658 par Marguerite Bourgeoys), parcourut ainsi les rives du Saint-Laurent avec une compagne, s'arrêtant occasionnellement à Trois-Rivières entre 1661 et 1665. À la fin du XVIIe siècle, le petit bourg de Trois-Rivières était encore dépourvu d'une véritable école, c'est-à-dire un établissement permanent, ouvert à un grand nombre d'enfants et offrant un enseignement continu et progressif. Les enfants des familles bien nanties pouvaient toujours aller à Champlain ou s'exiler dans les régions de Québec ou de Montréal pour recevoir une éducation de qualité, par exemple chez les Sulpiciens ou les Jésuites. Mais pour tous les autres, la situation scolaire était plutôt navrante. Les autorités religieuses s'en montrèrent inquiètes. Aussi, en 1692, Mgr Jean-Baptiste de la Croix Chevrières de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec (1688-1727), chercha-t-il à convaincre Mère Marguerite Bourgeoys (1620-1700) d'envoyer deux de ses Filles à Trois-Rivières pour y établir une école permanente. La maison a-t-elle été fondée? Nous l'ignorons. Les Sœurs de la Congrégation furent effectivement présentes dans la région pendant les trois années suivantes, mais vraisemblablement à titre d'enseignantes itinérantes, comme l'avaient été sœur Raisin et sa compagne. Devant cet échec, l'évêque de Québec décida de regarder du côté des Ursulines qui déjà, depuis 1639, s'occupaient de l'éducation des jeunes filles de la ville épiscopale. De retour d'Europe, le 9 septembre 1697, il entama des pourparlers avec la communauté religieuse. (suite de la fiche précédente) Voulant faire d'une pierre deux coups, il invita les Ursulines à fonder non seulement un couvent mais aussi un hôpital pour les malades "les plus nécessiteux". Les religieuses acceptèrent la proposition de l'évêque et, le 8 octobre suivant, un contrat notarié fut signé par les deux parties. Trois sœurs ursulines, formant un premier contingent, arrivèrent peu après à Trois-Rivières et s'installèrent d'abord dans l'ancienne maison du gouverneur, sur le Platon. Puis, à la fin de 1700 ou au début de 1701, elle emménagèrent dans une nouvelle maison sur la rue Notre-Dame (des Ursulines), dans le fief Hertel, hors de l'enceinte fortifiée. La fondation d'un couvent par les Ursulines constituait une excellente solution à une partie du problème scolaire trifluvien: l'éducation des jeunes filles. Restait à résoudre la question d'une école pour les garçons. Une génération entière passa encore avant que celle-ci ne devienne réalité... pour un temps. C'est, en effet, en 1720 que l'Institut des Frères hospitaliers de la Croix et de Saint-Joseph, fondé à Montréal en 1694 par François Charon de La Barre (décédé à La Rochelle en 1719), envoya à Trois-Rivières deux frères de la Charité (appelés communément Frères Charon): les frères Antoine de La Girardière et François Simonnet de la Croix. Pendant 16 ans, ces religieux se vouèrent à l'instruction des garçons trifluviens, installés en 1724 dans une maison bâtie sur un terrain donné à l'Institut par René Godefroy de Tonnancour, procureur du roi et lieutenant-général de Trois-Rivières. Mais de nombreuses difficultés, de recrutement et de financement en particulier, obligèrent la communauté à restreindre ses activités. Les Frères de la Charité quittèrent finalement la ville en 1736 (l'Institut lui-même disparut en 1747). En somme, plus d'un siècle après sa fondation, Trois-Rivières retournait à sa position initiale concernant l'éducation des garçons, s'en remettant encore aux Récollets (jusqu'en 1777), curés et notaires. * * * Les Ursulines, première communauté religieuse établie à Trois-Rivières pour y rester, mirent pied dans le petit bourg au cours de l'année 1697-1698. Sitôt arrivées, elles ouvrirent une école pour l'éducation des jeunes filles, enfants des familles de colons, mais aussi des Amérindiennes de la région. L'apprentissage des premiers éléments de la doctrine chrétienne, par le catéchisme, était, bien sûr, au programme d'enseignement, de même que la lecture et l'écriture. Pour promouvoir la connaissance de l'orthographe et des règles de la grammaire française, les religieuses développèrent, telle que préconisée par les Ursulines de Paris depuis 1612, l'habitude pédagogique de la dictée quotidienne obligatoire, inscrite au "tableau de l'emploi du temps" affiché dans chaque classe. Les élèves apprenaient aussi à "manier l'aiguille et le balai". Très tôt, on ajouta à ce programme quelques notions en sciences humaines, rejoignant ainsi l'essentiel de la formation donnée aux enfants de la bourgeoisie française. L'absence d'imprimerie au Canada, sous le Régime français, rendait parfois la tâche difficile aux enseignantes. Tous les livres et journaux arrivaient de France... quand ils arrivaient. En temps de guerre, les imprimés étaient plutôt rares. Quelques années avant la Conquête anglaise, les Ursulines de Trois-Rivières ne disposaient que d'une seule grammaire française. La maîtresse plaçait alors, sur un pupitre au milieu de la classe, le précieux livre ouvert à la page de la leçon du jour, retenue par un cadre de bois. Les élèves, tour à tour, apprenaient la leçon. Seule la maîtresse avait le droit de tourner les pages.Trois-Rivières (avant le 1er janvier 2002)https://troisrivieresnumerique.ca/documents/education-sous-le-regime-francais/