L'architecte et sculpteur François Baillairgé fut l'auteur des plans de construction de la prison de Trois-Rivières (1816-1822) et probablement aussi de ceux du palais de justice (1818-1822). Le bâtiment est classé monument historique depuis 1978.
* * *
D'après un texte de Danielle Larose, ethnologue, dans: Commission des biens culturels du Québec, Les chemins de la mémoire. Monuments et sites historiques du Québec, tome 1, Les Publications du Québec , 1990, p. 33-34 :
Par son caractère imposant et par son style, l'ancienne prison de Trois-Rivières s'apparente aux bâtiments administratifs érigés à Québec et à Montréal au début du XIXe siècle.
Au début du XIXe siècle, les plaintes concernant les prisons communes dans le Bas-Canada se multipliaient. Des bâtiments mal adaptés au régime pénitentiaire faisaient cohabiter prévenus et condamnés, criminels et débiteurs, adultes et enfants. Soucieuse des droits et libertés de la personne, l'opinion publique acceptait de moins en moins ces pratiques. En 1804, la Législature du Bas-Canada adopta donc une loi qui autorisait la construction de prisons communes à Québec et à Montréal. Les citoyens de Trois-Rivières réclamaient également un tel établissement; ils obtiennent gain de cause en 1811.
Nommés la même année, les commissaires responsables de ce projet se mirent aussitôt à l'œuvre. Quatre ans plus tard, en 1815, les plans et devis pour la construction d'une prison commune à Trois-Rivières étaient déposés; les travaux de maçonnerie et de menuiserie débutèrent l'année suivante (1816). L'établissement accueillit ses premiers prisonniers en 1819. Cependant, il fallut attendre jusqu'en 1822 pour que les dépendances et le mur d'enceinte pussent être complétés.
La prison de Trois-Rivières fut construite d'après les plans de François Baillairgé, un architecte de Québec qui avait déjà réalisé les plans de la prison de Québec (1808-1811). Ce sont des artisans de la région environnante qui érigèrent la prison de Trois-Rivières: la maçonnerie du gros œuvre fut entreprise par Olivier Larue, tandis que la menuiserie et l'exécution de la charpente furent supervisées par Michel Robitaille dès 1816; Joseph et Louis Lassiserai assurèrent les travaux de forge et Dominique Robert couvrit la toiture en fer-blanc.
À l'époque de sa construction, la prison de Trois-Rivières était située en retrait du centre-ville, dans l'ancienne terre du Haut-Boc. À partir de 1850, l'expansion de l'espace urbain réduisit cet isolement.
De style palladien, la prison de Trois-Rivières propose un ensemble de formes et une composition qui témoignent de l'influence de l'architecture classique anglaise du XVIIIe siècle. Haut de trois étages et marqué d'un avant-corps central surmonté d'un fronton, l'édifice présente un volume massif. Sa façade se signale par ses proportions et sa composition articulée dans un schéma où domine le module trois. Le répertoire décoratif est limité: un portique d'entrée, une forte corniche, une fenêtre circulaire qui perce le fronton avant, des pierres d'angle qui marquent les encoignures et des bandeaux en pierre de taille délimitant les étages.
Les murs extérieurs mesurent 90 centimètres d'épaisseur à la base. À l'origine, la pierre brute des murs devait être recouverte d'un crépi, comme nous le révèlent les encadrements des portes et des fenêtres. La toiture à quatre versants recèle une structure constituée d'une poutraison impressionnante; elle est percée de neuf cheminées dont huit servaient au chauffage.
Depuis sa construction, les modifications les plus importantes apportées au bâtiment obéissaient aux recommandations des inspecteurs de prison. En 1835, des grilles de fer appararurent aux fenêtres du rez-de-chaussée. La même année, les autorités élevèvent le mur de la cour arrière et clôturèrent la cour avant. En 1898 et 1899, l'éclairage électrique remplaça les lampes à pétrole et la plomberie fut refaite. Au XXe siècle, les poêles cédèrent la place au chauffage central et la cave reçut un pavage. D'autres travaux altérèrent encore l'allure du bâtiment: le clocheton à deux lanternes ajourées surmontant l'avant-corps et l'ancien mur d'enceinte dispararurent, de même que les fenêtres étroites du rez-de-chaussée.
Mais ce type de construction lourde, renforcée de nombreux murs porteurs, ne permettait pas d'effectuer d'importants changements à l'intérieur. Ainsi, les divisions actuelles correspondent à peu près aux descriptions originales du devis. Même si la prison était déjà qualifiée "d'ancienne" en 1883, elle conservait toujours son usage premier cent ans plus tard. À maintes reprises les autorités furent accusées de mal entretenir le bâtiment, ce qui ne doit pas être confondu avec la propreté des lieux qu'on disait acceptable. La facilité légendaire avec laquelle les détenus s'en échappaient permit à cet inspecteur de prison d'écrire:
" ...la bonne vieille prison des temps anciens. Portes de fer partout, ayant profusion
de chaînes et de verrous, propre à décourager un porte-clefs tant soit peu timide, les
murailles de quatre pieds d'épaisseur et croisées servent plutôt à intercepter la lumière
qu'à retenir les détenus un peu malins ... "
Quelques années avant sa fermeture, la prison de Trois-Rivières a fait l'objet de travaux destinés à rafraîchir son apparence. La fenestration du rez-de-chaussée a été rétablie avec ses ouvertures en forme de guichets; l'imposant balcon qui, à l'étage supérieur, marquait depuis la fin du XIXe siècle le logement du directeur de la prison, a été supprimé.
Jusqu'à sa désaffectation, la prison de Trois-Rivières constituait le plus ancien établissement carcéral en usage au Québec et au Canada. Elle demeure aussi l'une des rares oeuvres architecturales encore debout de François Baillairgé et, de surcroît, la seule à subsister hors des murs de Québec.
_________________________
D'après un texte de Danielle Larose, ethnologue, dans: Commission des biens culturels du Québec, Les chemins de la mémoire. Monuments et sites historiques du Québec, tome 1, Les Publications du Québec , 1990, p. 33-34 .
Le 22 juin 1908, durant le grand incendie de Trois-Rivières, les détenus de la prison voyaient, à travers les barreaux de leurs cellules, les flammes s'élever dans le ciel et les édifices s'effondrer dans un grand fracas. À grands cris de "Sauvez-nous ! ", ils réclamaient d'être remis en liberté, craignant d'être rôtis comme des poulets! Les autorités carcérales préparèrent effectivement un plan d'évacuation de l'établissement et de remise en liberté des prisonniers au cas où ils fussent en danger. Mais, avant de les libérer, on devait attendre que la situation devint désespérée.
La vie en prison
Avant la construction de la prison, faute de lieu, les délinquants étaient mis à l'ombre dans les institutions de charité ou les églises. La prison commune hébergea des hommes et des femmes de plus de douze ans, devant purger des peines n'excédant pas trois mois. Vandales, voleurs, ivrognes, fous, rebelles, filles-mères et prostituées: telle est la clientèle bigarrée de la Vieille prison de Trois-Rivières à ses débuts. C'est seulement à partir de la fin des années 1960 que les prisonniers masculins occupèrent exclusivement les lieux. La bonne marche de l'établissement fut confiée au gouverneur qui s'occupa notamment de l'accueil des prisonniers, du contrôle des rations alimentaires et de l'application des mesures disciplinaires.
A la fin du XVIIIe siècle, avec la réforme des institutions sociales, on assista graduellement au remplacement des punitions physiques par des peines d'emprisonnement visant la rééducation. Dans la prison, les conditions de détention étaient frustres et le régime alimentaire plutôt maigre: une livre et demie de pain noir par jour avec de l'eau. Avec l'assouplissement des règlements, une amélioration se fit sentir dans les conditions et, par conséquent, dans l'alimentation des incarcérés. C'est durant cette période que le travail, comme mesure de réhabilitation des prisonniers, devint obligatoire. Les récalcitrants étaient envoyés au "trou" (cellule d'isolement) pendant que les violents finissaient aux cachots.
Toutes ces pratiques furent abolies en 1972. Quant à la prison de Trois-Rivières, condamnée pour insalubrité, elle ferma ses portes en 1986.
La réhabilitation du site historique
Depuis août 2002, le Musée québécois de culture populaire ouvre les portes de la Vieille prison de Trois-Rivières pour offrir au public une visite expérience.
Le Musée a fait le pari de remettre la Vieille prison dans l'état où elle était à l'époque de la Révolution tranquille et ce, le plus fidèlement possible en se basant sur des images d'archives et des témoignages oraux. En seulement huit mois de travail et d'efforts soutenus, l'équipe du Musée et la firme de muséologie Culture Action, ont réussi à recréer l'atmosphère des lieux, remettant en place les vieilles portes d'origine, les lits de fer, la chaise du barbier, l'autel de la chapelle et les grillages retrouvés à la réserve, achetant dans les brocantes du mobilier de l'époque, reconstituant le "bull pen" et la salle d'identification. Plus qu'une simple exposition, la visite expérience permet au visiteur de côtoyer la vie en prison telle quelle était dans les années 1960-1970.
L'accessibilité au public de ce bâtiment patrimonial, classé monument historique en 1978, a permis non seulement de le remettre en valeur et de lui redonner sa place dans l'histoire de notre ville mais également de le faire connaître dans tout le Québec et même à l'extérieur des frontières.
La chapelle
Jusqu'au début des années 1870, un prêtre se rendait à la prison de Trois-Rivières uniquement lorsque ses services étaient requis pour l'un des détenus. Par exemple, l'un de ses devoirs les plus pénibles consistait à préparer spirituellement les condamnés à mort, dans la cellule numéro 13, et à les accompagner sur l'échafaud jusqu'au moment de leur exécution.
En 1873, toutefois, un aumônier catholique et un ministre protestant furent nommés pour offrir les services religieux à l'ensemble de la population carcérale, notamment la célébration d'une messe les dimanches et jours de fête. L'évêque de Trois-Rivières, Mgr Louis-François Laflèche, fit donc aménager une chapelle dans la prison. Elle se trouvait dans la partie centrale du 2e étage, jouxtant d'un côté le logement du gouverneur de l'établissement et, de l'autre, les cellules réservées aux femmes. L'artiste Napoléon Saint-Charles réalisa la décoration de la nouvelle chapelle en 1873.
L'aménagement de cette chapelle était fort modeste: un autel, une balustrade, un confessionnal portatif (chaise munie d'une grille), quatre bancs pour les prisonniers et un pour les gardiens. Le Nouvelliste du 2 janvier 1929 en faisait ainsi le tableau:
"La petite chapelle de la prison est empreinte d'un cachet lugubre et
saisissant. Notre première impression, en y entrant, est de nous croire
dans une des catacombes souterraines de l'ancienne Rome. Imaginez-vous
une casemate d'une vingtaine de pieds carrés ayant pour toute richesse
des murs nus aux reflets sombres, une petite ouverture damée de barreaux
noirs où la lumière hésite, quelques bancs de bois brut, un petit autel
blanchâtre sculpté, il y a une dizaine d'années, par un prisonnier repentant
qui a mis toute son ardeur /.../ à façonner de ses mains les trois personnages
de la sainte Famille disposés dans les niches...".
* * *
Le chanoine J.-A. Moreau, du Séminaire Saint-Joseph, fut aumônier de la prison durant plus de 40 ans, au tournant du XXe siècle. C'est dans cette chapelle que fut célébré, en 1897, le mariage d'Octave Lagacé condamné à 36 mois de réclusion.