La terrasse Turcotte est une voie de communication de Trois-Rivières reliant les rues des Casernes, Saint-Louis et Saint-François-Xavier. Son nom rappelle la mémoire de Joseph-Édouard Turcotte qui fut maire de Trois-Rivières de 1857 à 1863.La promenade de la terrasse Turcotte, surnommée "Le Boulevard", fut démolie le 9 mars 1984 pour faire place à une nouvelle promenade: celle du parc portuaire.
"La belle promenade près du fleuve, vis-à-vis de la résidence presque royale
de M. Dickson, le rendez-vous de l'élégance de la ville, des amours oserions-nous
dire, a déjà commencé à se couvrir d'ombrage et à faire entendre des chants d'oiseaux.
Cette place charmante, à qui on veut bien donner le nom de Boulevard, est chaque soir
couverte de promeneurs et de promeneuses, ce qui ajoute encore à la beauté naturelle
du lieu" (L'Ère Nouvelle, 31 mai 1855).
La maison Dickson était alors située sur le chemin qui devint la terrasse Turcotte, près de la maison du juge Mondelet, à l'angle de la rue Saint-Louis. Deux ans plus tard, en 1857, le maire Joseph-Édouard Turcotte fit tracer un chemin devant sa résidence afin d'offrir aux Trifluviens une vue panoramique sur le fleuve Saint-Laurent, prolongeant ainsi "le Boulevard" existant. L'engouement pour cette nouveauté était tel que Turcotte décida, en 1860, de céder le chemin à la Ville de Trois-Rivières. En 1869, la municipalité construisit alors un trottoir de bois sur pilotis qui rejoignait un escalier construit par la Compagnie de navigation du Richelieu au-dessus de ses hangars, lequel descendait jusqu'à la rue du Platon (des Forges), à l'angle de la rue du Fleuve. Bordée de chaque côté par des ormes gigantesques, la terrasse Turcotte se couvrait de promeneurs chaque soir. Au printemps, les curieux se massaient le long de son parapet pour admirer le spectacle de la débâcle des glaces.
Une douzaine d'années plus tard, la Ville fut forcée de fermer l'escalier, mal entretenu, qui menaçait ruine et
"dont l'état délabré est indigne de la faveur dont il jouit auprès du public /.../ Le
trottoir est dans un état pitoyable /.../ La clôture menace de s'écrouler...".
Restaurée et élargie en 1883, la promenade fut complètement détruite lors du grand incendie de 1908. Toutes les maisons qui la bordaient, sauf la maison de l'ancien maire Turcotte (devenue plus tard l'hôtel Château Normandy puis l'Unité sanitaire de Trois-Rivières) furent aussi détruites. La Ville profita alors de l'occasion pour élargir encore la terrasse et la reconstruire en béton. La nouvelle terrasse, de 24 pieds de largeur sur 900 pieds de longueur, fut reconstruite en 1910 par les entrepreneurs Héon, Roy et McLeod.
Mais, quelques années plus tard, de grands hangars bâtis pour répondre aux besoins de l'activité portuaire vinrent obstruer la magnifique vue sur le fleuve. En 1937, la Société d'embellissement de Trois-Rivières soumit un audacieux projet au Conseil de Ville: prolonger la terrasse sur une longueur de 3 800 pieds vers l'ouest, soit jusqu'à la rue Sainte-Élisabeth. Mais le projet n'eut aucune suite.En 1965, pratiquement abandonnée depuis l'après-guerre, la terrasse Turcotte était dans un état pitoyable et avait besoin d'être rafraîchie. La Ville de Trois-Rivières y fit exécuter des travaux totalisant 56 000$. Mais ce ne fut qu'à la fin des années 1970, suite aux revendications de citoyens, que les hangars furent démolis, redonnant ainsi aux Trifluviens leur "fenêtre ouverte sur le fleuve".Une étude réalisée par les Services techniques de la Ville, en 1978, signalait de nombreuses défaillances à la structure de béton et aux colonnes qui supportaient la dalle, à la rampe qui conduisait à la rue des Forges, au garde-fou ainsi qu'au système d'éclairage. Les travaux de rénovation étaient évalués à plus d'un quart de million de dollars. Bref, la terrasse était dramatiquement en décrépitude. On constata l'urgence d'une intervention majeure. C'est dans ce contexte que diverses hypothèses touchant l'ensemble du secteur portuaire furent étudiées au début des années 1980.Le projet de réaménagement global et de mise en valeur du vieux port, en 1984, amena la démolition de la vieille terrasse et la construction d'un superbe parc portuaire à trois niveaux, dont deux furent bâtis au-dessus du chemin de fer de ceinture, et comprenant place d'accueil, promenade, belvédères, agora avec plate-forme de spectacles, garage public (autogare), restaurant (Le Portofino) et café-terrasse, Centre d'exposition sur l'industrie des pâtes et papiers, locaux pour La traverse des âges. La terrasse Turcotte, qui ne désigne plus en fait que la voie carrossable, fait donc partie de ce vaste parc public, aujourd'hui l'un des plus fréquentés de la ville.
Le parc portuaire est, comme le parc Champlain, un lieu d'activités et d'événements qui attirent des milliers de gens: Festival international de l'art vocal, patin à roulettes, etc.Un monument érigé en 1934 à l'extrémité est de la terrasse Turcotte, derrière l'église anglicane Saint-James, et appelé communément "monument de Lavérendrye", rend hommage aux Découvreurs trifluviens: Pierre Gauthier de Varennes et de La Vérendrye (1685-1749), Jean Nicolet (1598-1642), Pierre Pépin (1652-1722), Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseilliers, Nicolas Perrot (1641-1717) et Christophe Dufrost de la Jemmerais.
Criards sur le Boulevard
(extrait du journal Le Trifluvien, 9 juillet 1920, p.1)
"Il était à peine neuf heures et demi, lundi soir, lorsque trois jeunes disciples de Bacchus,
cuvant leur vin, parcouraient le boulevard Turcotte, baragouinant des chansons anglaises.
Des citoyens se promenaient tranquillement /.../ Invités à cesser leurs sottes criailleries
avec une fanfaronnade digue de la voyoucratie étrangère que vomissent les transatlantiques
sur nos plages, les trois jeunes gens refusèrent de se taire /.../
"Depuis que la belle température invite les citadins à se promener sur le boulevard Turcotte,
nous entendons souvent des remarques grivoises lancées contre les jeunes filles /.../ Il devrait
y avoir une police constamment sur le Boulevard pour faire taire ces sans-éducation et ces
langues sales /.../ Du respect et de l'ordre!"